Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les monades de l'Abbé
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Les monades de l'Abbé
14 avril 2008

Vox Populi

jpg_schema_des_principales_voix_2Il y a quelques jours, une amie et moi avons décidé d'aller au cinoche.
Avant la séance, je m'aperçois que je n'ai rien avalé de la journée. Du coup, pendant qu'elle se fume une clope en téléphonant à un de ses étudiants, j'entre dans le restaurant gastronomique américain le plus proche du cinéma, pour me commander un gros menu Mac Dégueu avec un plaisir honteux et une excitation de gamin voleur de sucettes... le bonheur ! En faisant la queue, je me sens léger. Il fait beau, le soleil se couche sur ma ville, projetant cette lumière ambre et rose sur tout ce qui m'entoure. Le matin même, ma voisine de 75 ans, à laquelle j'avais rendu service en changeant chaotiquement un joint d'évier en prétendant être un pro (quelle blague !), m'avait offert des chocolats en m'assurant qu'on avait cassé le moule de jeunes hommes comme moi depuis bien longtemps. Un peu plus tard une jolie contrôleuse du bus, m'a épargné ses foudres en échange d'un sourire et de la promesse que "Juré ! la prochaine fois je paye mon ticket !". Dans l'après-midi, le Collège de France, m'appelle pour me faire part d'un projet ambitieux auquel il faudrait que je participe "absôôôlument". Dix minutes plus tard, on me propose le poste de responsable scientifique d'une boite d'I.A... Enfin bref, une bien belle journée mes amis !

Et là, ceux qui me connaissent attendent bien sagement avec un demi-sourire que ça tombe dans le gore, ou au mieux, dans l'humour noir. Mais non ! Même pas ! Pas cette fois-ci !

Je faisais donc la queue dans ce fast-food avec, je l'imagine, un sourire des plus niais scotché sur la face. Mon tour arrive, je m'apprête à commander ma ration de survie de la façon la plus commune : c-à-d le nez en l'air, fixant bêtement les enseignes lumineuses énumérant les différentes variantes de sandwich au gras et de boissons sur-caloriques, proposés à ma concupiscence, quand soudain quelque chose me fait baisser les yeux...

Une voix !! Mais quelle voix mes aïeux !! Une voix magique sortie de la petite serveuse haute comme trois pommes qui me regarde avec de grands yeux immenses que souligne un grand sourire tout juste sorti de l'enfance , contenant en lettres d'albâtre toute la joie de vivre, l'innocence, la fraicheur de quelqu'un à qui la vie ne peut que sourire. Quelle confiance dans ce sourire ! Quelle harmonie dans cette voix !


J'ai toujours été très sensible aux voix quelles qu'elles soient, mais surtout aux plus belles d'entre elles. Je pense que les voix sont comme les vins, elles se goûtent, se dégustent, certaines sont âpres d'autres douces, dures, longues en bouche. Vibrantes au palais, ronde ou encore fruitées. Il y a des parfums et des saveurs dans les voix. Une voix possède une robe, robe teintée des couleurs du passé et de l'expérience, ou robe d'une blancheur virginale. Robe de voix de vieillard dont les tons atones, effritent les nuances d'un camaïeu d'automne, de fin de vie bien remplie. Voix délavées de gens tristes ayant perdu leurs couleurs. Voix d'armure, voix de fer ou de velours. Voix de commandement, de corruption, de soumission. Voix de désir, enivrante, cassée, haletante, presque rauque, qui vous déshabille l'âme en quelques sons. 

On peut écouter l'âme de quelqu'un si l'on sait entendre sa voix. Dieu que de choses peuvent être contenues dans certains sons ! Mes voix préférées sont les voix sortilèges : qui comme une potion magique contiennent divers ingrédients précieux et rares qui assemblés, enchantent le cœur et trompent les sens. Un peu de larmes bleues de fée, quelques copeaux d'écorce d'arbre à rêve, un pincée de limaille d'ironie, quatre gouttes de rire d'enfant, une lichette de piment des diables, une bonne dose de bonne humeur ordinaire et le tour est joué...
Ces voix ont la beauté immatérielle qui tranchent dans la réalité comme le feraient certaines lames de légendes, des daishō du japon antique, pliés couche après couche par un maître forgeron, des milliers et des milliers de fois, chaque couche étant la marque d'un art et d'une vie symbolique, pour leur conférer souplesse et pénétration à nul autre pareil.


"Bonjour, bienvenue chez Mac Donald's ! Puis-je prendre votre commande?
- ...
- Monsieur?
- Euh...oui..oui, pardonnez-moi."

 

Ce qui me marque plus que tout dans cette voix, et que je n'avais jamais entendu auparavant, qui ne m'était jamais arrivé auparavant, est que cette voix avait le pouvoir de jouer avec mon temps intérieur. Oh pas de grand chose ! Quelques micro-secondes simplement... J'entends les sons sortis de ce petit être magique, et pendant un infime laps de temps, cet écho résonne en moi. Le sens des mots est en quelque sorte subordonné à leur musique propre, abstraite...
Ça y est ! J'ai trouvé ! Cette jeune femme ne parle pas, elle incante... Elle manipule les sons de pouvoir, ce doit être un Jedi en jupons. Je comprends tout très très légèrement à retardement. Ces mots ont un impact sur mon tissu intérieur, sur la membrane de mon surmoi, déclenchant une baston intérieure entre ma comprenette et mes sens pour le partage des mots qu'elle égrène dans les odeurs de fritures rances et de viandes trop cuites. 

Je reste muet quelques temps, tape mon code de CB comme un zombie, puis la regarde avec un air qui doit être du plus haut comique, vu le sourire goguenard qui se dessine sous sa visière d'employée dynamique.

    " Mac Donald's vous remercie ! Bonne soirée monsieur !
    - ...
    - Monsieur?
    - Vous avez une voix à rester sans voix mademoiselle... "

Léger rosissement des joues.

    " Je peux vous retourner le compliment ! incante-t-elle guillerette.
    - Nan mais sérieux! vous devriez en faire quelque chose !"

Silence gêné de sa part

    "J'ai dit quelque chose de mal ? demandai-je, inquiet...
    - Non, non... Je faisais de l'assistance aux suicidaires par téléphone avant de travailler ici, j'adorais ça mais les horaires étaient infernaux... Et c'est la première fois qu'on me dit depuis deux ans quelque chose sur ma voix. Et ça me rappelle avant...
    -... ah bon, c'est cool ça, l'assistance aux..., lançais-je plein d'inspiration"


Et là on est interrompu par un impatient, très pressé de s'enfiler sa malbouffe. Je lui dis au revoir, prends mes paquets et me dirige vers la sortie.

    "Monsieur ?!?
    -Oui?
    -Merci !

Echange de sourires...

Je n'aurais jamais pensé que "1 Big Mac et 1 grande frite, ça marche !" soit une formule magique...

On en apprend tous les jours...

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Je découvre ce texte..Il est beau, si beau que ma voix se fait silence. Je pense à.. Où que tu sois et quoique tu fasse de ta vie. Sois heureux. <br /> Il n'y a qu'un espace entre toi et cette légère bise. <br /> Ecoute le souffle du vent, tu entendras encore et encore cette voix..<br /> Bien à toi.
P
Il y a quelques jours, tu m'as demandé ce que je pensais de ce post. Effectivement il y a des voix qui sont magiques, mais il y a aussi une autre dimension dans ses voix. Je pense que c'est plus lié à la personnalité des gens qui se cache derrière. Une belle voix incarne la générosité de son porteur. Ces êtres un peu à part qui sont capable d'arrêter le temps au seul son de leur voix nous font partager leurs pensées. Une belle voix peut être une voix fatiguée, éraillée, atténuée par la peine, la tristesse, et que l'on ne soupçonne pas. Mais quand cette voix vous chante, comme lors des moments de tristesse de votre jeunesse, un dernier "ave maria" avant de s'éteindre, elle devient la plus belle voix sur terre, à jamais présente en vous, et son message de confiance en l'amour et en la vie reste gravé au plus profond.<br /> C'est quelqu'un qui communique sans avoir besoin de mots... Pour moi, c'est surtout l'âme et son message.
M
C'est malin! Maintenant le vote est égal entre la paire #3 et la paire #1... Dans ce cas, je vais me comporter comme une vraie femme: je vais prendre la #4!!!! :-)
A
au fait pour les chaussures : je vote pour le no 1 :)
A
voui... ça m'est sorti comme ça <br /> enfin quand j'ai réussi à perdre mon air ahuri et à articuler quelque chose :)
Publicité