La pirate et l'empathe
Je viens de lire presque en totalité le blog de mlle Toxgirl... et j'ai mal... j'ai vraiment mal...
Adolescent, comme tous les petits adolescents assez protégés, je
m'inventais des rôles, des personnages de grands méchants, une carrure,
des poses de matamores, une grande gueule propre à faire fuir les
autres petits cadors dans mon genre, pour savoir qui serait le plus
gentiment méchant de nous tous...
J'ai bénéficié comme beaucoup, du super luxe de pouvoir rêver à la vie
sans vraiment la vivre, ou pour le moins en étant très épargné par ses
affres et ses blessures. Plus tard, ça a été assez facile aussi de
s'inventer un personnage, et d'en jouer. J'suis plutôt très large
d'épaule, bien bâti, et je peux avoir une voix très grave quand ça me
prend... Je sais me débrouiller dans une baston de rue (merci Belfast)
et j'ai un sale caractère quand je veux aussi... Résultat j'exhibais
une fois de temps en temps, dans mon entourage très protégé une belle
petite gueule du meilleur effet... Super pour jouer aux beaux ténébreux
et faire se pâmer les filles de mon milieu.
En fait, on a beau essayé de se convaincre de tas de choses, des fois
ça marche pas. En fait j'ai toujours pensé tout au fond de moi que
j'étais une midinette, de 90kg certes, mais une grosse midinette quand
même.
Je navigue en permanence avec trop de voilure, j'ai les sabords trop
ouverts, et j'ai tendance à prendre la flotte trop facilement. En gros,
je suis un peu trop sensible à tout ce qui m'entoure. Ça fait pas
viril, hein?
Autant pour l'image du mec hiératique, sombre et inflexible perché sur son rocher à déclamer des conneries aux vagues en furies. Ça fait bien longtemps que je me suis aperçu que les vagues en furie n'en avaient généralement rien à foutre, et que tout ce qu'on pouvait attraper avec ces conneries, c'était une grosse bronchite plus que des sirènes !
J'ai quand même toujours eu la décence de ne jamais me prendre au sérieux, même sous neuroleptiques, même planqué dans ma cave à me mordre les lèvres pour pas hurler pendant les couchés de soleil (la régression au stade primal que ça s'appelle ces conneries). Montesquieu (ou une autre vieille perruque) disait que "l'humour peut être la politesse du désespoir". C'est pas con, faut bien l'avouer.
Je disais donc, une grosse midinette, ou ce que l'on appelle plus classieusement un hyper-empathe :
C'est la faculté qu'ont les êtres de se mettre à la place des autres, à ressentir ce qu'ils ressentent, à voir le monde avec leurs yeux.
Le prototype de la relation empathique est celui de la mère et de son nourrisson : la mère sait instinctivement ce que ressent son bébé. Elle sait deviner s'il a faim ou s'il est mouillé.
L'empathie est fondamentale pour l'artiste qui "ressent" un paysage, un objet, des personnages, une atmosphère, ou bien pour l'acteur qui endosse un rôle, ou bien pour les professionnels des relations humaines, etc.
L'empathie est en fait indispensable à tout un chacun pour être ouvert à ses semblables.
...l'hyperempathie, c'est-à-dire qu'elles vivent le monde intensément, sans distanciation.
Le bon côté des choses, c'est qu'elles sont très perméables aux autres, très intuitives et se révèlent ainsi d'excellents observateurs, percevant mieux, plus vite et avec plus d'acuité que la plupart.
Ce qui pose problème, c'est qu'elles ne parviennent pas à prendre du recul, à se détacher de ce qu'elles perçoivent. Dégager un point de vue personnel et agir de manière indépendante deviennent problématiques.
L'hyperempathique va vivre un monde d'excès : excès d'activité en s'immergeant successivement dans son travail, un loisir, un spectacle et en se laissant totalement absorber par cette activité; excès dans ses relations avec les autres qui tournent au vampirisme; excès dans ses comportements qu'ils soient alimentaires, d'achat (ou vol); excès dans la pratique d'un sport qu'il va pratiquer de manière compulsive.
En fait, on va noter une succession d'états d'hyper contrôle et de pertes
de contrôles alternés
Ce truc là m'a joué bien des tours, s'approcher de l' HP un peu trop
souvent à mon gout, se taper des crises de panique titanesques, et plus
si affinité dans les comportements dangereux pour sa propre sauvegarde.
Le pire ce n'a été diagnostiqué que très tard, quand un psy s'est
intéressé à mon surnom : "L'abbé".
Faut pas déconner, ça m'a apporté plein de trucs sympas quand même,
notamment avec les filles : les hyper-empathes font des amants
exceptionnels il parait (ben ouais ça fusionne plus facile qu'avec
d'autres.) enfin pour celles qui aiment recevoir et être emportées dans
d'autres univers, car pour la réception du don des fois c'est pas ça, y
a des réflexes de protections qui font qu'on a parfois peur de se
lâcher. Non que l'envie manque, mais plutôt la peur de l'endroit où ça
peut nous emmener.
Les hyper-empathes sont de très bon chiromancien : genre j'ai 3g dans
le sang, je choppe la main de quelqu'un qui pense, à raison, que je
suis complètement blindé, et je laisse mon regard aviné se balader sur
sa main. Et juste au moment où il commence à en avoir marre, je relève
les yeux, et lui sert des choses sur sa vie intime, sa personnalité,
son enfance, et je ne m'aperçois même pas que la personne pâlit de plus
en plus. Jusqu'à ce invariablement, soit la personne se met en colère,
soit elle se pâme en pleine crise narcissique (ça dépend des trucs que
je balance, des fois c'est pas rose des fois ça l'est).
C'est utile aussi pour les petits connards, quand on ouvre les vannes, et qu'on leur balance des choses qu'ils croyaient si profondément cachées, ça peut même les faire pleurer (c'est arrivé une fois, un soi-disant champion de boxe thaï, qui font en sanglot, il n'existe pas de garde pour certains mots)
Attention ! J'suis un gros gentil, j'suis pas méchant pour sou, bien au contraire. Mais le problème avec ce truc, c'est qu'on a l'impression d'absorber ce que ceux qui vous entourent ont dans la tête. C'est très utile pour jouer les confesseurs, c'est comme si on comprenait la musique interne de l'autre, tous ses accords, ses harmonies et ses dissonances. Ces choses sont cachées sous la musique des phrases. Une phrase veut plus souvent dire ce que l'on ne veut pas se dire que l'inverse. Les phrases des yeux, des mains, des épaules, sont beaucoup plus honnêtes. La plupart des gens ont la solution à leurs problèmes, il n'entendent juste pas très bien leur musique intérieure, ou se focalise trop sur certaines notes. Alors on fait quoi? ben on l'écoute de toutes les fibres de son être et on la leur rechante, simplement, juste comme ça, et le fait de l'entendre leur permet de prendre un peu de distance, et de voir que généralement elle est très belle, pour la plupart des gens en tout cas... Certains petits connards, les gens que l'on qualifie de méchants sont généralement ceux qui ont perdu tout respect pour leur musique. Les vrais méchants, mais il y en a très peu, le vrai mal, jouent, eux, des musiques perverties, laides, vraiment flippantes!! Je n'ai eu que très peu d'occasions d'en côtoyer, je les repère à 10 m, même dans une pièce bondée, et les fuis comme la peste. Ils pourraient me détruire plus vite que n'importe qui.
Ce truc d'hyper-empathie est super dangereux, surtout pendant
l'enfance, le temps qu'on apprenne à se forger plus de défense que les
autres. Les mécanismes de défense et de filtres, nous étant moins
naturels. Je vous raconte pas les angoisses et les cauchemars. Mais on
y arrive, on apprend le sens de la distance pour se conserver. Plus
tard, on peut y arriver avec certaines drogues, qui anesthésient tout
le bizness.
Personnellement, mon truc c'est l'alcool (les hallucinogènes c'est pas
la peine on resterait perché, le shit amplifie la chose, et les opiacés
n'en parlons pas ). L'alcool canalise les fonctions empathes. Au moins
on entend plus toutes les musiques de tout le monde. Et surtout,
surtout, elle supprime les blocages appris, donne une certaine inertie,
le courage de l'alcoolique, qui permet de laisser libre cour à tout ça
sans s'inquiéter des conséquences.
Aujourd'hui je suis arrivé sur le site ToxGirl, via le site de la Princesse Mèl.
Et j'en ai pris plein, mais alors plein la tronche !! La force et la
simplicité de son écriture. La crudité extrême de certaines choses,
m'ont hypnotisées, j'étais comme collé à mon siège et j'avais mal, mais
je n'arrivais pas arrêter de lire. Je souffrais vraiment... Très
bizarre... Bien longtemps que personne n'avait fait sauter certaines
vannes chez moi, me laissant exténué et un peu admiratif devant cette
survivante, qui s'inflige le pire pour éviter la petite mort d'une paix
hors de portée de ses mains. Qui raconte des choses atroces sans
apitoiement, et qui malgré tous ses efforts pour être désagréable
parfois, n'arrive pas à faire qu'on lui en veuille... Au contraire...
Bien au contraire... Elle me fait penser à ces beaux vaisseaux
légendaires qui naviguent sur des mers lointaines et dangereuses, sous
des nuages noir de ténèbre, interdites à nos pauvres barques de pêche,
ou nos voiliers de plaisance. Elle me fait penser à un grand trois
mats, fin et puissant, aux voiles déchirées par les tempêtes, à la
mature malmenée, au charme énigmatique et un peu diabolique de vaisseau
fantôme mais qui aura toujours infiniment plus de gueule et de classe
que tous les paquebots rutilants, et off-shores de luxe
Je dois bien reconnaître être admiratif et m'incliner bien bas
Mes hommages Mademoiselle la Pirate.