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Les monades de l'Abbé
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Les monades de l'Abbé
3 décembre 2007

Mosaïque

Doc_73En ce moment, j'ai besoin d'être seul. C'est quelque chose que j'ai très peu ressenti tout au long de ma vie. Je suis un être extrêmement sociable d'ordinaire. Ce soir est encore une nuit où les vents me parlent. Mais ce sont les vents de mon passé cette fois-ci. Je m'aperçois en écrivant ces lignes que je suis un peu sec. Je n'ai peut-être pas franchement envie d'accoucher d'un autre texte. Je recherche aussi sans doute du beau. Mais j'ai envie qu'on me le donne. Je dois remplir mon réservoir. Et je le remplis tous les jours. Je lis de très beaux livres, vois de très belles images, pense à de très belles choses. Des fois je prends ma voiture et je roule, juste pour aller nulle part, pour me remplir des paysages que je croise, pour capter l'existence des gens et des choses que je laisse derrière moi. C'est en faisant cela, que je remonte la route de mon temps à moi, de mon passé. Je me force à retraverser mes terrains vagues, et à les repeupler. Parfois, ce n'est pas facile, des fois c'est même très dur. Mais il ne faut pas confondre la joie et le bonheur. Je suis heureux de pouvoir le faire même si je souffre un peu. Souvent j'ai peur, très peur... J'ai peur de m'aventurer seul sur des chemins où j'aimerais que l'on me tienne la main. J'ai peur de ne pas avoir la force de le faire jusqu'au bout. Mais je sais que je dois le faire.

Je dinais il y a peu chez mes parents. Caché dans un petit coin de lumière, bien en évidence, je les observais tous les deux, apaisés et heureux, regardant la télé, mon père, le chat sur les genoux, ma mère serrée contre lui.

Vendredi nuit, j'ai rencontré une jeune femme atteint de la maladie du veillissement prématuré. Elle avait 39 ans mais le visage de quelqu'un de 75. Quand elle est partie de la soirée où l'on était, elle m'a regardé dans les yeux et m'a embrassé sur les lèvres, je me suis laissé faire. Elle s'est reculée m'a regardé un long moment avec des yeux de petite fille et m'a dit... Merci Romain...

La semaine dernière, j'étais dans le métro à Paris, pris d'une crise d'agoraphobie, et j'ai demandé à quelqu'un de me tenir un peu la main... Cet inconnue l'a fait...

La veille, j'ai serré la petite Malou dans mes bras et j'étais heureux. L'accueil de ses parents m'a soigné...

Il y a 4 jours, j'ai téléphoné spontanément à mon frère pour le rassurer, et assumer mon rôle de grand frère. J'espère qu'il va mieux depuis...

Samedi soir, j'ai joué au poker avec mes amis, j'ai tout perdu mais j'ai ris pour la première fois depuis une éternité.

Une nuit, je suis resté seul sous la pluie pendant longtemps, en retrouvant le temps...

Hier j'ai trouvé un bon sujet de post-doc sur la caractérisation mémorielle des sous-espaces de navigation en environnement complexe...

J'ai ce soir regardé 3 épisodes de Cold Case et, comme un gamin, je suis tombé amoureux de Lili Rush...

Dimanche j'ai eu le courage de prendre ma voiture, et de refaire un trajet cauchemardesque... Je suis encore vivant...

Samedi dernier, j'ai refait le trajet jusqu'à la fameuse librairie, et je suis encore vivant...

Je dors trop, mais je ne culpabilise qu'un peu...

Je repense à ma vie à Belfast, et je deviens grand car je comprends. Même si toute cette violence est terrifiante...

Je ne bois plus et je comprends pourquoi je buvais...

Je fume toujours autant, mais je sais pourquoi...

Je parle moins mais peut-être un peu mieux...

J'écoute moins, mais j'écoute vraiment...

Je suis parfois trop libre, ça me terrorise, mais je continue...

Je suis redevenu mince et beau comme un camion, mais n'en suis pas vaniteux...

Je crois manquer de courage mais je manque juste parfois de force...

J'ai pardonné à quelqu'un plus vite que je ne le croyais, et suis en train de me pardonner...

Un de mes meilleurs amis m'a hurlé dessus, puis m'a pris dans ses bras, et on s'aime toujours...

Je pense à mes amours passées et je n'ai de haine pour aucune mais des paquets de tendresse...

Je suis un peu seul et j'ai parfois très peur mais je ne suis plus immobile...

J'aurai besoin qu'on me tienne la main, mais je fais seul mon petit bonhomme de chemin...

Je me reveille un peu trop vite et ça pique, alors j'essaye d'ouvrir les yeux tout doucement, le plus harmonieusement possible...

Et encore plein, plein, plein d'autres choses...

Je ne suis pas encore en paix, loin de là, mais la persévérance aidant, je le serai bien dans quelques temps...

Je suis une mosaïque et je fabrique ma colle...


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Commentaires
S
je vous salut l'abbé!!
T
C'est bizarre, en lisant ton texte je n'ai pas l'impression que tu vas mal, mais que tu veux aller mal... Et je pense que tu empreintes le bon chemin, car lorsqu'on a connu le dépouillement, on apprend à connaître la vraie valeur des vraies choses. Pas celle du camembert du supermarché du coin, non, celle d'un sourire, d'un baiser donné comme ça, pour rien.<br /> Bises
A
Merci à vous pour les commentaires et les mails gentils ! Ca me va droit a coeur !<br /> Ca fait du bien de lire ce que vous m'ecrivez !<br /> Rom.
T
Oups...je ne vois pas mon commentaire fait l'autre jour. Suis tellement maladroite ;o) Je disais que j'espérais sincèrement que tu trouves toi aussi une main qui prendra la tienne car c'est juste vital et magique. Bisou. Tiz
S
Je suis touchée par ce style. Doux et intense dans les sentiments. Bravo
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