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Les monades de l'Abbé
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Les monades de l'Abbé
4 octobre 2007

Poker menteur...

helicoAujourd’hui, je vous parle de mon grand-père, pas celui que j’ai déjà évoqué dans le tout premier post, mais l’autre. C’est un jeune homme de 79 ans qui est impatient d’en avoir 80 « 80 ans c’est plus clair que 79 ! 79 ça sent la fin de règne. A 80, on peut dire que tout recommence c’est une nouvelle décennie. ». Il est très optimiste, mon grand-père…
Quand il était jeune, c’était le roi des nuées. Un grand père à l’image très romantique pour le petit garçon que j’étais. Un pilote d’hélicoptère de combat ! Ce grand-père là, je sais pas trop comment le décrire. Il a passé son temps à faire des guerres, du coup ses enfants l’ont rarement vu. Il s’est rattrapé avec ses petits-enfants : mon frère et moi. Il m’a appris beaucoup de choses, des choses essentielles qu’on apprend dès son plus jeune âge : nager, ne pas pleurer pour un rien, et jouer au poker comme un vrai bâtard.

A l’âge ou d’autres perfectionnaient leur comtesse de Ségur ou apprenaient ce qu’était la grosse loose en regardant Bourriquet s’humilier tous les Samedis soirs, je savais déjà qu’au Draw, à moins de 4 joueurs, le brelan bat la quinte. Je m’installais dans le garage avec mon grand-père, un huitième de panaché en bouteille sur la table, sous le regard bienveillant de ma mère et de ma grand-mère, qui préféraient le Rami :

 «  Lui : tu sais Romain, au poker, il y a des règles !
Moi : Oui papy !
Lui : c’est un jeu sérieux, hein ?
Moi : Oui papy !
Lui : c’est une école de la vie…
Moi : D’accord papy !
Lui : Si quelqu’un triche, tu le plantes !
Ma mère : Papaaaa !!!!!!!!
»

 Il m’a appris beaucoup de choses en jouant au poker avec moi. Une des plus fortes, est que la chance s’appelle, elle se provoque, qu’il faut la regarder comme une amante volage, qui n’est jamais totalement votre, et qui peut s’enfuir à tout instant. Il faut la traiter comme elle vous traite, ne pas avoir peur. Il m’a aussi appris que le bluff était un art difficile, il ne faut bluffer que quand on est sur de gagner. L’art de bluffer c’est grosso modo, l’art de prendre l’autre pour un pigeon :

 

« Lui : tu vois Romain, l’essentiel est que l’on ne puisse jamais savoir quand tu mens, il faut toujours prendre les autres joueurs à contre courant.

Moi : …

Lui : il y aura autant de regards différents sur toi que de joueurs autour de la table. Ne mens que lorsque tu es certain, qu’aucun de ces regards, aussi profond soit-il, ne peut te percer à jour…

Moi : …

Lui : je vais t’apprendre à rester de glace et ne pas ciller sous la pression ! Je vais t’apprendre à feindre la nervosité ! Je vais t’apprendre à manipuler les attentes des autres et à contrôler ce que les autres lisent dans ton regard !

Moi : …

Lui : ferme la bouche ! t’as l’air d’un poisson mort… »

Toutes les leçons qu’il m’a prodiguées, je les ai bien retenues dans un coin de ma tête. Et il y a quelques temps, après un match de Rugby, je me suis retrouvé, Dieu sait comment, avec 14 personnes ivres mortes mais bien rigolardes, dans mon salon transformé en tripot, en train de jouer au Texas Hold’em à 4 heures du mat’. Et là ! Et là… J’ai pu mesurer toute l’ampleur de la formation de mon grand-père.

 Autour de ma table, un aéropage de joueurs d’élites : Jean-Marc le tueur, Julien la fouine, Yann le déviant, Dav le flambeur, David le mousquetaire, Franz le cosaque, et la pire de toute Marie-Cecile « kill ‘em all », ma belle-sœur. Moi un brelan d’as au flop (Note pour les joueurs de monopoly : faut être cocu pour avoir une main pareille !), gérant la pression mise par tous ces joueurs, qui me fusillaient du regard comme si j’avais tapé leur mère. L’air de rien, je relance d’un montant raisonnable après l’avoir jouée modeste (on appelle ça un check-raise quand on veut faire son malin). Tout le monde me suit, personne ne se couche. Je commence à flairer l’embrouille, mais ne m’inquiète en rien, je vais tous les baiser les forcer à plier sous mon joug. Les enchères montent, tout le monde se couche progressivement sauf Marie-Cécile « kill ‘em all » et Franz le cosaque. J’ai 6 euros en jetons devant moi (somme énorme, quand on joue comme moi, pour des cacahuètes). Je décide de faire « tapis » (miser tous mes sous, dans l’espoir de se faire coucher les autres, ça passe ou ça casse), les deux autres trous de balle adversaires suivent et mettent leur tapis également. On abat nos cartes, Franz a une quinte, Marie a une quinte-flush, et moi plus que mes yeux pour pleurer. Ma belle-sœur nous nargue en nous traitant de gros bisounours, et repart avec tous nos sousous.

 
On a fini dans la cage d’escalier avec Franz le cosaque, à finir une bouteille de vodka et à regretter la chute de l’empire soviétique.

Et ben super merci Papy !!

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Commentaires
C
N hésitez pas a partager cette article. Il en vaut vraiment le coup. Je dois dire que je ne regrette en rien de m'être abonné à votre weblog. A bientôt.
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