Poker menteur...
Aujourd’hui, je vous parle de mon grand-père, pas celui que
j’ai déjà évoqué dans le tout premier post, mais l’autre. C’est un jeune homme
de 79 ans qui est impatient d’en avoir 80 « 80 ans c’est plus clair que
79 ! 79 ça sent la fin de règne. A 80, on peut dire que tout recommence
c’est une nouvelle décennie. ». Il est très optimiste, mon grand-père…
Quand il était jeune, c’était le roi des nuées. Un grand
père à l’image très romantique pour le petit garçon que j’étais. Un
pilote d’hélicoptère de combat ! Ce grand-père là, je sais pas
trop comment le décrire. Il a passé son temps à faire des guerres, du coup ses
enfants l’ont rarement vu. Il s’est rattrapé avec ses petits-enfants : mon
frère et moi. Il m’a appris beaucoup de choses, des choses essentielles qu’on
apprend dès son plus jeune âge : nager, ne pas pleurer pour un rien, et jouer au poker comme un vrai bâtard.
A l’âge ou d’autres perfectionnaient leur comtesse de Ségur ou apprenaient ce qu’était la grosse loose en regardant Bourriquet s’humilier tous les Samedis soirs, je savais déjà qu’au Draw, à moins de 4 joueurs, le brelan bat la quinte. Je m’installais dans le garage avec mon grand-père, un huitième de panaché en bouteille sur la table, sous le regard bienveillant de ma mère et de ma grand-mère, qui préféraient le Rami :
Moi : Oui papy !
Lui : c’est un jeu sérieux,
hein ?
Moi : Oui papy !
Lui : c’est une école de la
vie…
Moi : D’accord papy !
Lui : Si quelqu’un triche,
tu le plantes !
Ma mère : Papaaaa !!!!!!!!
»
« Lui : tu vois Romain, l’essentiel est que l’on ne puisse jamais savoir quand tu mens, il faut toujours prendre les autres joueurs à contre courant.
Moi : …
Lui : il y aura autant de regards différents sur toi
que de joueurs autour de la table. Ne mens que lorsque tu es certain, qu’aucun
de ces regards, aussi profond soit-il, ne peut te percer à jour…
Moi : …
Lui : je vais t’apprendre à rester de glace et ne pas
ciller sous la pression ! Je vais t’apprendre à feindre la
nervosité ! Je vais t’apprendre à manipuler les attentes des autres et à
contrôler ce que les autres lisent dans ton regard !
Moi : …
Lui : ferme la bouche ! t’as l’air d’un poisson mort… »
Toutes les leçons qu’il m’a prodiguées, je les ai bien retenues dans un coin de ma tête. Et il y a quelques temps, après un match de Rugby, je me suis retrouvé, Dieu sait comment, avec 14 personnes ivres mortes mais bien rigolardes, dans mon salon transformé en tripot, en train de jouer au Texas Hold’em à 4 heures du mat’. Et là ! Et là… J’ai pu mesurer toute l’ampleur de la formation de mon grand-père.
les baiser les forcer à plier sous mon joug.
Les enchères montent, tout le monde se couche progressivement sauf Marie-Cécile
« kill ‘em all » et Franz le cosaque. J’ai 6 euros en jetons devant
moi (somme énorme, quand on joue comme moi, pour des cacahuètes). Je décide de
faire « tapis » (miser tous mes sous, dans l’espoir de se faire
coucher les autres, ça passe ou ça casse), les deux autres trous de balle
adversaires suivent et mettent leur tapis également. On abat nos cartes, Franz
a une quinte, Marie a une quinte-flush, et moi plus que mes yeux pour pleurer.
Ma belle-sœur nous nargue en nous traitant de gros bisounours, et repart avec
tous nos sousous.
On a fini dans la cage d’escalier avec Franz le cosaque, à
finir une bouteille de vodka et à regretter la chute de l’empire soviétique.
Et ben super merci Papy !!